26 Mar 2015
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La lettre économique et financière mars 2015

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La plupart des places européennes ont nettement progressé depuis le début de cette année, rattrapant un peu le retard qu’elles avaient accumulé  sur leurs consœurs américaines et asiatiques.

Ce réveil certes tardif mais que nous ne bouderons pas, correspond à une conjonction d’éléments favorables au redémarrage des économies de la zone euro. Celles-ci  étaient jusque-là engluées dans une spirale négative due aux doutes sur l’état de l’économie européenne couplés  aux risques d’éclatement de la zone euro.

Tout d’abord, il a fallu du temps et de la persévérance pour que le président de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi,  persuade la communauté financière  que  l’institution  fera tout pour éviter  l’éclatement de la zone euro. La forte baisse des taux, généralisée dans tous les pays d’Europe et particulièrement dans  ceux  du   sud   (Espagne  et Italie)  à partir du courant de l’année 2014 montre que les investisseurs ont

commencé à donner du crédit à l’action de la Banque Centrale. Cette confiance n’a été que peu entamée par le risque Grec dont nous ne connaissons pas encore l’épilogue mais dont les marchés ne craignent plus l’effet domino sur le reste de la zone.

L’action de la Banque Centrale a permis aux taux longs d’atteindre des niveaux extrêmement bas dans la quasi-totalité des pays de la zone. L’Allemagne peut donc emprunter sur 10 ans à un taux de 0,35% par an. La France bénéficie également de cet état de fait malgré sa piteuse situation budgétaire en empruntant sur cette même période à 0,50% alors que l’Espagne voit ses taux à 1.20% contre plus de 4% il y a 2 ans. Et situation ubuesque, cet excès de liquidité orchestrée par la BCE a même poussé les taux en territoire négatif  où l’emprunteur se voit rémunéré : L’Allemagne  et même la France peuvent désormais emprunter à taux négatifs sur les échéances les plus courtes (0 à 5 ans) c’est-à-dire qu’elles obtiennent une rémunération sur l’argent qu’elles empruntent. Les investisseurs acceptent de payer un taux d’intérêt sur les prêts consentis à ces pays sur ces durées. Ils préfèrent donc payer un intérêt d’environ 0,10% sur un risque qu’ils estiment inexistant plutôt que de placer cet argent sur d’autres actifs où le risque de perte  est supérieur. Certains estiment d’ailleurs que cette situation anormale est due à un manque de confiance dans la croissance économique pointant un risque déflationniste.

Cet écrasement des rendements en Europe  au  moment  où   la  Réserve Fédérale Américaine entame une politique inverse,  explique le deuxième facteur de hausse des marchés : la baisse de l’euro. Celle-ci s’est déclenchée et accélérée alors que le différentiel de rendement des taux et de croissance entre les zones  Amérique du nord et Europe s’accentuait. Les Etats-Unis, soucieux de prévenir les éventuelles pressions inflationnistes en raison d’une économie locale en croissance relativement forte (3%) avec un  taux de chômage revenu à 5,5% grâce à la création en moyenne chaque mois de 260.000 emplois depuis 12 mois,  ont informé les marchés qu’une  hausse de leur taux directeurs interviendrait dans le courant de l’année 2015. Plus généralement, l’euro s’est déprécié contre l’ensemble des monnaies et notamment contre les monnaies de grands partenaires commerciaux ; environ 10% de baisse contre la livre Anglaise, le Franc Suisse et le Yen japonais.

La baisse de l’euro est favorable aux sociétés européennes qui exportent en devises étrangères car elle leur permet de retrouver de la compétitivité sur leur prix de vente dans la guerre commerciale qu’elles livrent à leurs concurrents étrangers mais elle est aussi favorable en termes d’effets de changes, la hausse des monnaies et notamment du  dollar dopant mécaniquement leurs  ventes.

De fait, nous pouvons constater que les indicateurs économiques récents et les dernières anticipations de croissance de la BCE indiquent une amélioration de la croissance dans la zone euro, constituant ainsi le troisième facteur de hausse.

La BCE table désormais sur une croissance de 1,5% et 1,9% respectivement en 2015 et 2016 contre 1% et 1,5% auparavant. Cela au moment où elle démarre son programme de rachat d’actifs d’un maximum  de 1140MD€ sur 18 mois avec un dollar qui vient de passer sous les 1,10$ et un baril de pétrole dont le prix a été divisé par deux confortant le moral des consommateurs en soutenant leur pouvoir d’achat.

Sans tomber dans un optimisme béat, nous pouvons penser que le regain de confiance des dirigeants d’entreprises et des consommateurs permettra de débloquer des projets d’investissements, d’autant que les banques auront intérêt à prêter plutôt que de placer leurs fonds à la BCE à des taux proches de 0%, voire négatifs. Ce contexte semble voué  à  perdurer encore un certain temps compte tenu de la volonté des banques centrales de conserver une croissance raisonnable (3% aux US et en GB), de la retrouver (Europe et Japon) et de maintenir des niveaux de change accommodants.

Cette concordance de facteurs favorables exceptionnelle, explique l’envolée des marchés en ce début d’année.

Il conviendra désormais d’être plus sélectif dans les choix opérés. Les valeurs de croissance (valeurs de consommation notamment) ont offert les meilleures performances atteignant des niveaux de valorisation très élevés alors que dans le même temps, les valeurs cycliques (valeurs industrielles, chimiques) souffrent encore des doutes persistants sur le rétablissement de leurs résultats en raison d’une croissance qui ne s’est pas encore matérialisée dans leurs comptes.

Ce mouvement de hausse ne pourra se prolonger que si de nouveaux signes de redressement de l’économie européenne  se confirment grâce aux facteurs dont nous venons de parler. En face, le risque  va maintenant se localiser aux états Unis où la forte hausse du dollar va jouer négativement pour les entreprises US à l’heure où la réserve fédérale américaine annonce un relèvement de ses taux d’intérêts. Ces vents contraires en provenance des Etats Unis  ne manqueront pas de faire douter les investisseurs. Nous pensons qu’il  faudra profiter de ces replis pour renforcer les positions, car les flux d’investissement ont commencé à s’inverser en faveur des marchés européens  après avoir connu des retraits massifs ces dernières années.

Philippe GOIG